"Il serait donc possible, aujourd'hui, qu'une simple expérience poétique ait l'oeil - ait l'esprit - ait la force ? Qu'elle soit exactement contemporaine de ce qui déferle de tous côtés sur la Terre ?
Un révolutionnaire français, exilé à Florence trente ans avant moi, aimait dire ceci : "Un homme est défini par ce qu'il entend, pratiquement, par poésie ; donc ce dont il se contente sous ce nom."
Il citait ensuite Hegel : "A ce dont un esprit se contente, on reconnaît l'étendue de sa perte."
Je ne me contente de rien. Je veux jouir poétiquement de l'existence. Je veux connaître la liberté maximale. C'est pourquoi je suis venu vivre en Italie.
Et puis je l'ai dit : je crois au roman, à cette alchimie qui transforme les détails quotidiens en signes, y mêle vos désirs, vos attentes, vos rencontres, et procure une forme à votre vie. Que vous le vouliez ou non, une parole s'écrit ainsi ; elle vous porte, comme une monture de chevalier - et prend figure de destin.
Je me crois dans un roman, donc j'y suis : le savoir commence ici.
La vie personnelle est une figure de la liberté ; rien d'autre n'a d'importance. Je me promène, l'esprit ouvert, et ce qui me trouble m'offre des étincelles d'existence."
Yannick Haenel, Je cherche l'Italie, Gallimard