Après plusieurs jours enfermée entre quatre murs, jouant des coudes avec les gouttes, luttant contre la grisaille, échappant de peu à la chute de moral grâce à des ersatzs de vie connectée en réseau, et ne rêvant qu'à battre le pavé en chair et en os, prête à accueillir la moindre opportunité quitte à me mouiller, me reviennent les images d'une expo à propos.
Celle d'un homme qui n' a pas trouvé mieux que de plonger dans les antres de Google Street, de s'y perdre à raison pour en choisir les meilleurs clichés, pris sur le vif, à la volée, sans aucune mise en scène et envie de se montrer grâce à un dispositif digne de l'imagination de George Orwell.
Le résultat est des plus flippants, aussi désarmant que bluffant.
Une plongée en eaux troubles, un exercice titanesque, facilité certainement par des mots clef rusés, assez aiguisés pour y dégoter les perles et augmenter les probabilités de tomber sur une scène censurée.
Un regard virtuel, ordonné, automatisé, quasi-omniscient sur nos vies jusque dans leurs impasses et leurs secrets.
Une démarche qui paradoxalement, par le travail de fouille et de sélection des photographies parmi les milliers en série, prises insensiblement et machinalement, nous ramène aux frontières du réel.
Jon Rafman, The Nine Eyes of Google Street View
Saatchi Gallery, Londres, du 14 octobre au 5 novembre 2012