Atterrissage en douceur.
Une chaleur étouffante nous cueille sur le bitume.
Le temps de récupérer les clefs du bolide, nous prenons la mesure d’une conduite en sens inverse. Ce n’est pas une première, à la différence que dans l’hémisphère sud nous étions soutenus par une boîte automatique et des routes désertiques. Ici, la pression démographique semble imposer une appréciation toute différente des codes à adopter en matière de maîtrise et de déplacement de son véhicule dans un environnement, que nous qualifierons de compétitif. On découvre au premier rond-point que les plus téméraires d’entre nous préfèrent la voie du milieu pour parer à toute hésitation d’être du bon côté de la chaussée. Les forces de l’ordre d’ailleurs, dont nous avons testés involontairement à deux reprises leurs connaissances en matière de savoir-vivre automobile, n’ont pas été choqué par nos infractions au code de la route. Parions que c’est leur façon de souhaiter la bienvenue à des touristes pour le moins déboussolés.
Cette immersion sans ménagement dans un trafic saturé a eu sur le pilote et son co-pilote l’effet d’un catalyseur d’émotions. En découvrant l’itinéraire et les coutumes locales, nous n’avons pu résister à un échange urbain de conseils avisés quant au changement de vitesses et au respect des distances de sécurité et de la limitation de vitesse. Avec pour ambiance sonore, la radio qui diffusait les tubes pop appréciés (matraqués ?) par la jeunesse locale.
Nous ne pouvions pas imaginer meilleure introduction à des vacances au soleil, sous l’œil médusé d’une progéniture qui choisît intelligemment de garder le silence pendant que le moteur tournait.
Dois-je préciser que le mâle était aux commandes et qu’au-delà d’une bataille d’ego, se jouait dans l’habitacle, une guerre des sexes ? Avais-je le droit de rappeler quelques fondamentaux de mécanique à l’homme de ma vie sans que sa virilité ne se sente menacée.
Je regrettais d’avoir renoncer à une assurance tout risque et me voyais déjà faire appel à la bonté divine pour nous protéger des sorties de route – l’omniprésence des églises et des statues à l’effigie de Jean-Paul II réveillait en moi la dévote que j’étais à l’âge de ma première (et seule) communion.
J’essayais de ne pas crisper ma main sur la poignée de la porte et de me concentrer sur les informations délivrées par le GPS pour arriver à destination sains et saufs. Je savais que de son côté, il faisait de son mieux pour gérer un stress à peine palpable et assumer son rôle de père de famille. Je savais qu’il ne rêvait que d’une seule chose, m’abandonner sur le bas-côté. Mais sa conscience parentale l’en empêchait et aussi certainement le fait que je détenais l’adresse de notre point d’arrivée, dont il avait pris connaissance en démarrant le moteur. Je me remémorais les séances pathétiques de conduite accompagnée avec ma mère pour ne pas tenter de lui imposer pareille expérience de stress. Je me rassurais en faisant confiance à son sens inné de l’orientation et à, comme il aime à la qualifier, sa « conduite sportive mais familiale ».
Outre quelques démarrages en 3e, sa spécialité, et une priorité à droite (gauche ? Je ne sais plus, je n’ai jamais su.) complètement grillée, nous arrivâmes sans une égratignure à notre hôtel, juste à temps pour profiter d’un plongeon dans la piscine et un dîner cheezy au bord de la mer.
Avant même de pousser un soupir de soulagement, avant même d’avoir pu décharger les valises, il tua mon enthousiasme dans l’œuf. En sortant du véhicule, il me tendit les clefs et m’adressa cette phrase assassine : « demain, tu t’y colles ». Sans sourciller, j’acceptais de relever le défi. Puis, après quelques secondes de réflexion, je me demandais s’il n’était pas plus sage pour la suite de notre périple de préférer jouer le coup de la panne et d’éviter ainsi les dérapages incontrôlés.
...
J’avais hâte de lui montrer ce que j’avais sous le capot
et de lui faire une démonstration de mes plus beaux créneaux.